Comprendre le Cloud public en 211 secondes
Vous entendez parler de Cloud, mais ça reste un peu nuageux pour vous.
Vous n'êtes pas seul(e) !
Je suis expert du numérique depuis la fin des années 90 mais je me souviens avoir parcouru les allées du salon Cloud Expo en faisant l'exercice de regarder chaque stand à distance pendant une minute, puis d'essayer de comprendre ce que c'est, avec un regard non expert. C'est un enfer. C'est incompréhensible.
Vous voulez mieux comprendre le Cloud car vous avez des responsabilité liées au numérique, à des applications et vous sentez que le monde évolue à une vitesse spectaculaire : observez ce qui se passe en ce moment avec ChatGPT et les IA génératives... Vous êtes convaincu que le Cloud peut aider votre organisation à accomplir mieux sa mission, que ce soit dans l'éducation, la santé, l'assurance, la banque, ou n'importe quel autre secteur.
Donc lisez ce premier article. On creusera ensuite les couches supérieures du Cloud (Iaas, Paas, Caas, Saas) mais pour l'instant on se concentre sur le Cloud. En commençant par la partie matérielle, puis logicielle, puis financière.
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Cloud : la partie matérielle
On passe assez vite car le plus intéressant est la partie logicielle et financière. Un Cloud, au niveau inférieur, c'est juste des ordinateurs entassés dans des centres de données, reliés par des câbles réseau, et accessibles depuis n'importe où. Le mot « juste » va sûrement choquer les gens qui travaillent dans ces datacentres car la complexité de tout ceci est immense. Ceux qui ont géré des baies de machine dans leur propres locaux n'en ont qu'un aperçu microscopique. Et un datacentre seul ne fait pas le Cloud. Il doit y en avoir plusieurs, reliés entre eux par des fibres, pour avoir un minimum de redondance des données.
On peut résumer l'infrastructure matérielle essentiellement à trois choses (en dehors de l'infrastructure énergétique, logistique, administrative, etc.) :
- des unités de calcul (processeurs classiques (CPU), graphiques (GPU), voire quantiques (QPU), etc.)
- du réseau
- du stockage
À titre d'exemple voici les pages décrivant l'infrastructure matérielle d'OVHcloud et d'AWS.
OVHcloud dispose de 34 datacentres sur 4 continents :
Chez AWS c'est difficile de connaître le nombre de datacentres, qui sont répartis en « zones de disponibilité » et « régions ». Il faut au minimum 3 datacentres pour faire une zone de disponibilité et les zones sont regroupées en régions. Les services sont ensuite séparés par région.
Une zone de disponibilité permet de construire un service... toujours disponible, même en cas de catastrophe, ou destruction d'un datacentre.
Cloud : la partie logicielle
Ensuite, le Cloud, c'est du logiciel. En fait c'est surtout du logiciel. Les fournisseurs Cloud qui ont massivement investi dans des innovations logicielles assez tôt se sont imposés sur le marché (voir en bas d'article).
De quels logiciels parle t-on ?
Ce sont des logiciels souvent disponibles en mode self-service au moyen :
- d'un portail client, souvent appelé « console »
- d'une API (qu-est-ce qu'une API ?)
Services principaux
Les services disponibles au strict minimum au travers des consoles ou des API sont :
Des services de calcul et d'exécution
Ce sont par exemple des machines virtuelles, sur lesquelles on installe un système d'exploitation. La majorité du temps Linux. Il y a aussi des services de gestion de conteneurs, et de plus en plus de choses qui permettent de faire abstraction des couches inférieures (pas seulement le matériel mais aussi le système d'exploitation), pour se concentrer uniquement sur les applications.
Des services de stockage
Il peut s'agir de stockage classique par fichier, comme un disque dur, ou bien de stockage de type « objet » ou des bases de données diverses. Il s'agit aussi des système de sauvegarde ou d'instantané.
Des services réseau
Ces services permettent entre autres d'isoler les machines des autres clients, de répartir la charge entre plusieurs machines, de réserver des noms de domaine, etc. Ces services réseau permettent une isolation totale des services, comme s'ils étaient dans vos locaux. On aboutit à la notion de « Cloud Privé Hébergé ». Privé car il peut être totalement inaccessible par le réseau, et hébergé car ce n'est pas vous qui gérez les machines. Ce sont les fonctions de VPC ou « Cloud Privé Virtuel » qui offrent ces capacités.
De très nombreux services additionnels innovants sont fournis. Regardez par exemple la liste des services chez AWS, elle est impressionnante. Et intimidante... Tellement intimidante que personne ne maîtrise tout et qu'il faut faire appel à des experts même pour les services simples.
Indépendance et élasticité
Une grande particularité du Cloud est de rendre autonomes tous ces services. Sur votre ordinateur portable le processeur, le réseau et le stockage sont tous réunis sur la même machine et indissociables. Dans un cloud ils sont séparés et flexibles : vous pouvez à tout moment décider d'augmenter les capacités de calcul, augmenter l'espace de stockage, voire d'arrêter et résilier complètement une machine, tout en conservant son espace de stockage. Et tout ça d'un clic (ou presque) :
Console client et API
La console client et l'API sont à peu près la même chose, sauf que le premier est utilisé par un humain et le deuxième par un autre logiciel. Consultez cet article pour comprendre ce qu'est une API :
La console client permet d'accéder aux services décrits ci-dessus.
Voici quelques exemples de console client chez Scaleway, OVHcloud et AWS :
Cloud : la partie financière
Tout d'abord la grande promesse du Cloud est de vous permettre de passer d'un modèle de dépense « CAPEX » à un « OPEX ». Vous n'avez théoriquement pas besoin d'investissement pour aller sur le Cloud, car tous les services sont disponibles immédiatement, avec un simple abonnement, et vous ne payez que ce que vous consommez.
Et à première vue les prix affichés ont l'air faibles avec beaucoup de zéros car ils sont affichés pour une faible durée. Par exemple chez AWS un espace de stockage EBS (similaire à un disque dur) coûte 0,08 USD/Go-mois. Donc si vous voulez 100Go, ça coûte 8 USD par mois. Ce n'est pas énorme donc vous commencez à utiliser les services et la facture grimpe au fil du temps. In fine, la facture est généralement composée de dizaines, centaines de petits services à petit prix, dont il devient difficile de savoir d'où ils viennent et qui, additionnés, commencent à faire beaucoup tous les mois.
Oui mais...
Ça fait beaucoup tous les mois, mais ça fonctionne. Ça fonctionne vraiment bien, à condition de faire les choses correctement. L'alternative au Cloud c'est d'investir dans du matériel ou bien de louer des serveurs dédiés. Pour reprendre le même exemple de volume de stockage, un disque dur de 100Go aujourd'hui coûte à peine plus de 10€. Pas 10€ tous les mois, mais 10€ une seule fois. Vous dépendez 10€ une fois, et vous avez 100Go de stockage à vie.
À vie ? 🤔
Non. Pendant un certain temps seulement. Jusqu'à ce que le fameux disque dur commence à rendre l'âme à la pire période que vous auriez pu imaginer. Que vous ayez oublié de mettre en place une sauvegarde automatique ou bien que celle en place se soit arrêté de fonctionner. Que la personne qui connaît ce matériel soit en vacances ou en train de démissionner. Qu'un incendie ou une effraction ait eu lieu. Les fameux 10€ se transforment alors en milliers, dizaines de milliers d'euros de pertes d'exploitation, voire de perte définitive de données.
Le cloud vaut largement son prix. La tranquillité n'a pas de prix.
Et il est de toute façon possible d'optimiser les coûts, grâce à l'élasticité. Par exemple, un établissement scolaire peut réduire ses coûts pendant les vacances scolaires et ne conserver que le minimum. Cela demande de transiter d'un mode orienté serveur, vers un mode orienté service uniquement, où un service n'est pas lié à une machine et peut être élastique.
Pas d'investissement ?
Tout au début du chapitre précédent je parlais de l'absence d'investissement. En vérité il y a toujours des investissements à faire, et ils peuvent être même très importants. Mais ils se sont déplacés. Ce ne sont plus des investissement matériels et humains mais des investissements logiciels.
Car le Cloud vous offre des services qu'il faut assembler. Cet assemblage est très complexe et prend beaucoup de temps.
Cloud : la partie data
Si le Cloud devient de plus en plus incontournable, c'est aussi à cause de la donnée. La quantité énorme de puissance de calcul et d'espace de stockage disponibles dans les Cloud est devenue incontournable pour faire fonctionner les algorithmes très lourds de Machine Learning, et bénéficier des jeux de données gigantesques des Intelligences Artificielles Génératives (comme ChatGPT, MidJourney, etc).
En dehors du Machine Learning de nombreux secteurs sont générateurs de quantité de données importantes comme la médecine, la finance, les média, etc.
Les parts de marché des fournisseurs principaux
Voici dans l'ordre les cinq premiers au niveau mondial, qui se partagent les trois-quart du marché :
- Amazon Web Services (USA, 34% de part de marché mondial)
- Microsoft Azure (USA, 21% de part de marché mondial)
- Google Cloud (USA, 11% de part de marché mondial)
- Alibaba Cloud (Chine, 5% de part de marché mondial)
- IBM Cloud (USA, 3% de part de marché)
En France
En France, les trois premiers américains occupent 80% du marché français. Il existe néanmoins des acteurs purement français, qui progressent comme tout le monde, mais régressent en proportion de part de marché français. Ils méritent néanmoins qu'on s'y intéresse car les compétences disponibles chez ces acteurs n'ont vraiment rien à envier aux américains. Et les services évoluent à une vitesse importante.
Les fournisseurs français de cloud public sont principalement :
- OVHcloud
- Scaleway
- 3DS Outscale
- Cloud IKOULA One